Comment aller du Parc de Namoroka à celui de Marojejy.
Nous venons de passer la dernière nuit à notre camp spéléo.
Jeudi 31 juillet :
Réveil comme d’habitude. Nous plions tranquillement le camp. Certains se rasent. D’autres passent chez le coiffeur. Et oui, nous rentrons au village. Les malgaches nous ont proposé de porter nos bagages jusqu’à Vilanandro pour gagner du temps. Nous décollons à 8 h 30. Nous coupons à travers la brousse pour rejoindre la piste. Là, nous avons un sérieux différent avec Tantely. Durant tout le camp, nous avons brûlé nos déchets y compris les pelures biodégradables. Le matin, il restait quelques déchets que Tantely a consciencieusement mis dans un sac plastique. Et maintenant que nous avons franchi les limites du parc, il veut le balancer derrière un rocher. Nous insistons pour le brûler sur une dalle de calcaire, faute de mieux, ce qui sera finalement fait. Nous reprenons la marche. Un peu plus loin, une charrette fait relâche au bord de la route avec un gamin qui la surveille. En nous voyant arriver, il part en courant sur la piste. Nous parvenons à Vilanandro à 11 h. Nous trouvons Charles. Nous allons boire des bières avec l’équipe chez Mama Celesa. Sa boutique, ou plutôt sa case, a déménagé depuis la dernière fois. De retour à l’ANGAP, Haja nous reçoit pour une restitution. Elle nous invite à manger un peu de riz avec des haricots en guise d’apéritif et de signe d’amitié. Elle nous rachète aussi nos bidons car c’est plus pratique pour aller à la source.
Repas chez Mama Celesa. Charles nous propose une charrette conduite par son fils. Elle arrive en début d’après-midi, débordante de foin. En effet, il n’y a pas prairies à Soalala et il faut prendre le fourrage pour le retour. Le foin est déchargé, nos bagages chargées à la place puis le foin remis par dessus. Une bonne quantité de foin reste aussi au fond de la charrette, ce qui combiné avec une plus faible quantité de bagages, rendra le retour un peu plus confortable que l’aller. Après un dernier café, nous nous mettons en route vers 16 h. Au début, nous mangeons pas mal de poussière.
Nous croisons deux troupeaux de zébus, de 70 à 80 têtes chacun. C’est un des paradoxe de la région : il y a un fort élevage de zébus mais la seule viande qu’on trouve et encore difficilement est la volaille. Le soleil se couche. La nuit tombe. Les étoiles se lèvent. La lune, elle, reste couchée car elle est nouvelle. Les étoiles filantes nous accompagnent aussi. La nuit n’est toutefois pas d’encre. Tant que nous ne sommes pas sous le couvert forestier, nous parvenons à distinguer la piste. Serions-nous en cours de malgachisation ? À 21 h 30, nous faisons une halte de rechargement des zébus d’une heure qui traîne plutôt vers les deux heures. Le fond de l’air est humide. Je m’équipe pour la nuit : pantalon, chemise, veste polaire, casquette couvrante. Même avec tout ça, je n’aurai pas bien chaud. J’arrive vaguement à somnoler pendant l’arrêt. Nous reprenons la piste. Elle devient sableuse et nous attaquons la côte pour franchir une chaîne de collines. Il faut régulièrement des pauses pour faire refroidir les moteurs. La descente, elle, est toujours aussi rude. Il faut tout faire au frein, les deux pieds dans le cul du zébu. Ensuite, nous enchaînons les zones aquatiques. Nous traversons régulièrement des parties de la piste transformées en canaux d’irrigation. Il y a de l’eau jusqu’à l’essieu de la charrette. Au loin, une lumière apparaît puis se rapproche. Puis un bruit de moteur se fait entendre, le premier depuis longtemps. Nous croisons le tracteur collecteur de rafia qui revient de Soalala.
Vendredi 1er août :
Nous avançons toujours dans la nuit. Nous faisons une sortie de piste et terminons dans un arbre. Plus tard, en croisant un convoi de charrettes, nous avons un accrochage avec l’une d’elle. L’horizon finit par s’éclaircir. Les premiers rayons du soleil atteignent la cime des arbres puis descendent progressivement jusqu’à nous pour nous réchauffer et nous sécher. Les zébus n’avancent plus. Nous enchaînons collines sur collines et nous ne sommes pas encore rendus. Enfin, vers 8 h, c’est la ligne droite finale que nous parcourons d’ailleurs à pied.
Il y a embouteillage sur la jetée. Un boutre vient de livrer une cargaison de bière et une trentaine de charrettes sont en cours de chargement. Traversée de la Mova en pirogue. Nous débarquons à l’ANGAP. Restitution rapide avec Jean-Claude. Un taxi-brousse est annoncé pour l’après-midi. Nous avons un peu de temps à tuer d’ici. Donc, nous prenons le petit déjeuner, de la bière et le repas de midi. Le taxi-brousse, qui est le même qu’à l’aller, passe prendre nos bagages à l’ANGAP en début d’après-midi. Le départ est donné à 16 h. Nous partons à grande vitesse. Nous passons à côté de l’aéroport où il y a un avion, genre 6 places. Ça doit être le premier depuis plusieurs années et il a dû slalomer entre les termitières pour se poser. Plus loin, nous sommes arrêtés derrière une charrette que l’idiot du village n’arrive pas à garer sur le côté pour nous laisser passer. Après un quart d’heure, il profite finalement d’une bifurcation pour nous dégager la piste. Nous effectuons alors un premier arrêt aux stands après quelques kilomètres car il y a un problème sur le circuit de freinage. Un coup de filasse sur le joint à problème et c’est reparti. Il y a une nouvelle alerte lorsque des gouttes d’eau se mettent à sortir du capot mais sans conséquences. Il y a une dernière alerte du même niveau pour l’embrayage un peu plus loin. Nous filons alors sur Mitsinjo où nous faisons l’arrêt repas. La pause s’éternise pour une raison indéterminée. Nous repartons à 21 h, toujours en conduite rallye, à éviter les défauts de la piste et les charrettes. Enfin, la lumière du phare de Katsepy annonce la fin de la spéciale. Nous effectuons un arrêt demi-tour frein à main sur la place centrale. Nous déchargeons et allons bivouaquer sur la plage.
Samedi 2 août :
Réveil échelonné. Nous prenons le petit déjeuner en attendant le bac pour Majunga qui arrive rapidement, à 7 h 30. C’est la ruée pour le chargement. Avec la marée descendante, le bac s’échoue sur le sable sous la charge. Après plusieurs essais, il faut faire redescendre une partie des passagers pour manœuvrer et décoller de la plage.
Après un nouvel embarquement, le bac arrive à repartir sans trop racler le fond. La traversée s’effectue sans problème. À l’arrivée, l’emplacement est déjà occupé par le gros bac aussi nous venons accoster bord à bord en deux tentatives. C’est alors la cohue la plus totale. La foule se précipite pour descendre à terre. Les dockers essaient de monter pour trouver des clients avec des marchandises à décharger. Nous attendons que ça se calme mais c’est peine perdue. Les passagers de la rotation suivante commencent à monter en force alors que tout le monde n’est pas descendu. Nous tentons alors nous aussi un passage en force... et ça passe. Nous partons ensuite en taxi à la recherche d’un hôtel disponible. Le premier est le bon. Installation à Majunga. Un peu de repos pour récupérer ne fera pas de mal. Dans l’après-midi, nous effectuons une tentative de consultation de nos emails dans un cyber mais ça rame trop.
Dimanche 3 août :
C’est calme Majunga le dimanche. Nous allons réserver nos taxis-brousses pour la suite. L’internet fonctionne mieux le matin. J’en profite aussi pour faire graver le contenu de la carte mémoire de mon appareil photo. Sieste l’après-midi. À la tombée de la nuit, nous allons manger des brochettes sur la promenade du bord de mer, devant les manèges dont deux « grandes » roues. Il y alors une coupure de courant. Ils continuent de faire tourner la première à la main, le temps de lancer le groupe électrogène. Quant à la seconde, ils débarquent les passagers à la manivelle.
Lundi 4 août :
De bon matin, j’accompagne Nicolas au stationnement pour l’aider à porter les sacs. Il rentre sur Tana puis Tuléar. Nos chemins se séparent. Je dois partir dans l’après-midi. En attendant, je vais faire un tour sur le port pour photographier la cohue à l’arrivée du bac. Malheureusement, il n’y a pas bac en service. Le gros est à quai alors que le petit a disparu. Des vedettes et des barques assurent le transport des passagers. Je vais ensuite faire une photo panoramique du baobab. Je consulte une dernière fois mon courrier électronique sur l’internet local qui reste poussif. Je traîne en bouquinant et en prenant des consommations. Dans l’après-midi, je me rends bien en avance au départ du taxi-brousse. Le chargement dure en longueur. Finalement, un gars du taxi-bé vient me voir pour me dire que le véhicule n’est pas direct mais qu’il faudra un transbordement à Antsohihy. Il propose de me transférer sur une autre compagnie qui est aussi annoncée directe avec un départ à 17 h 30 au lieu de 17 h. Comme il est déjà 18 h, je me dis que ça ne doit pas faire une grosse différence et j’accepte. Le chargement du second minibus n’est pas plus efficace que celui du premier. Après le plein d’essence, nous décollons à 20 h. J’ai la place avant droite. À mon côté, au centre de la banquette, il y a le receveur du bus qui s’occupe aussi des cassettes de l’autoradio. Il met une heure pour choisir une cassette, celle qui a un rapport bruit sur signal supérieur à 10. Ensuite, il la passe trop fort et je suis aux premières loges. Nous roulons d’abord sur la RN4. Je profite d’une brève halte dans un village pour manger des brochettes de zébu, à la volée, par la fenêtre. À 23 h, nous faisons une pause repas à la bifurcation des routes de Tana et Diego. Je mange juste une soupe. Nous reprenons la route. Pour l’aspect direct, je suis dubitatif. Normalement, nous ne devions nous arrêter qu’à Ambanja, Ambilobe et Diego mais là, le taxi-bé fait plutôt du cabotage, en prenant des passagers pour certaines portions de parcours. Il privilégie ceux qui n’ont pas trop de bagages pour limiter les opérations de chargement/déchargement.
Mardi 5 août :
Je suis surpris par l’état de la route entre Mampikony et Port-Berger. Il y a deux ans, à défaut d’être refaite, elle avait été nivelée, dans ce qui me semblait être l’étape préliminaire à son regoudronnage mais il n’en a rien été et depuis, la pluie a fait son œuvre et recreusé les nids de poule. Ça sera la seule mauvaise section du parcours. À Port-Berger, la pause dure 3/4 d’heure sans qu’on sache pourquoi. Le préposé aux bagages reste assis sur la galerie sans rien déballer pendant un quart d’heure. Ils bricolent aussi le tableau électrique. Ça permet de repartir avec le démarreur et non en poussant le véhicule. L’aube apparaît devant nous avec la silhouette des montagnes que nous allons devoir franchir. Nous nous arrêtons un quart d’heure à Antsohihy alors que le soleil se lève. Nous attaquons les montagnes. Dans un virage, un minibus taxi-brousse s’est planté. À voir l’état du véhicule, il a dû effectuer un tonneau avant de finir contre le talus. D’après ce qu’on nous raconte, il n’y avait pas ou peu de passagers et seul le chauffeur est mort. C’était pourtant marqué en haut de la descente, virage dangereux. J’apprécie la conduite de notre chauffeur qui respecte la limite de vitesse de son véhicule, de 75 km/h et roule prudemment, au centre de la route, à cheval sur la ligne blanche quand il n’y a pas d’autres usagers. On n’est jamais à l’abri d’une surprise comme durant la nuit où une charrette à zébu s’est affolée à notre passage, un des zébus se levant sur ses pattes arrières. Avec le jour, le cabotage se renforce, des fois pour transporter des personnes sur 10 ou 20 km, ce qui n’a plus grand chose à voir avec de la longue distance. Le receveur est passé derrière. Ils me mettent des filles comme voisines quand il n’y a plus de place derrière. Elles sont très agréables, physiquement parlant, parce que pour la conversation, c’est réduit. Nous nous arrêtons pour le petit déjeuner après le gros des montagnes. L’escale à Ambanja durent une demi-heure plus un quart d’heure à la sortie de la ville, dans un atelier de pneumatiques pour nettoyer le filtre à poussière qui n’aime pas la latérite. Nous parvenons à Ambilobe à 14 h, soit 18 h de trajet pour 770 km, ce qui n’a rien d’une performance même en conduisant prudemment. Je m’installe à l’hôtel, je prends une douche et je fais une sieste. Dans l’après-midi, je fais un tour dans la ville qui est bien animée. Ça se calme ensuite avec l’arrivée de la nuit mais il reste quand même un peu d’activité.
Mercredi 6 août :
Réveil de bon matin à cause de la lumière et du bruit du portail de l’hôtel. Après le petit déjeuner, je retourne dormir un peu à cause de la nuit précédente dans le taxi-brousse et en prévision de la suivante. En fin de matinée, je fais un tour en ville. Le khat, qu’on trouve en vente sur le marché, est pas mal consommé par les hommes. Vers 13 h, je vais porter mon sac au stationnement. Le taxi-brousse est un minibus, ce qui est rassurant quant à l’état de la piste mais le véhicule n’est pas en très bon état. Officiellement, la convocation est à 14 h mais on m’annonce en pratique que ça ne sera pas avant 14 h 30. J’essaie de manger dans le coin mais c’est un peu tard et il n’y a plus de riz. Ça sera une soupe qui est plutôt un bouillon avec des pâtes, des petits légumes et un œuf dur en supplément. C’est bien bon. Je vais faire quelques photos sur le pont enjambant la rivière voisine, la Mahavavy.
À 15 h, départ du taxi-brousse... pour l’autre côté de la ville, là où il y a le vrai stationnement pour ma direction. Reconditionnement et bâchage des bagages. À 16 h, c’est prêt. Le taxi-brousse va encore faire un tour en ville. Au début, je suppose que c’est pour faire le plein mais comme il met 3/4 d’heure, j’imagine qu’il a dû faire d’autres choses. Nous chargeons. Nous sommes légèrement en surcharge, c’est-à-dire que, sans compter les enfants, il y a une personne de plus que le nombre de places et celle-ci est sur ma banquette. Après un dernier contrôle de police, nous partons réellement à 17 h 30. La piste va slalomer entre les montagnes, dans une zone de collines. La piste est en latérite et comme d’habitude, on voit que des camions ont dû l’emprunter quand elle n’était pas bien sèche, créant des ornières qui s’ajoutent au ravinement. Nous allons en cahotant. Ça frotte, ça racle, ça accroche voir ça patine. Pourtant, le véhicule a des pneus quasi-neufs à l’avant. C’est d’ailleurs le seul élément correct. Il n’y a plus de démarreur et il faut pousser pour démarrer. Il n’y a pas non plus de frein à main. Des cales sont utilisées pour les arrêts longs alors que la voisine du chauffeur se contente d’appuyer sur la pédale de frein pendant les pauses plus courtes. Le véhicule fait aussi une forte consommation de liquide de refroidissement. Pratiquement à chaque halte, le mécanicien soulève la banquette avant et remet de l’eau dans le circuit de refroidissement. Ça doit tourner dans les 20 l au 100 km. À 19 h, nous faisons la pause repas à Betsiaka, à une vingtaine de kilomètres d’Ambilobe. Je prends du riz avec de la viande pour le repas. Nous repartons. Le mécanicien a trouvé une moto qui l’emmène à part. Ils roulent en avant du minibus. Un bon moment après, nous arrivons dans un village où il y a un gros bal. C’était l’objectif de la moto et nous récupérons le mécanicien. Nous continuons la piste. Il y a un premier passage difficile où il faut débarquer une partie des passagers pour passer sans trop racler. Je reste dans le véhicule et la piste est vraiment accidentée à cet endroit.
Jeudi 7 août :
À 0 h 40, il y a un nouveau passage critique. Cette fois, je descends le faire à pied. C’est une forte côte. Ça fait du bien de marcher car je ne peux pas étendre mes jambes dans le taxi-brousse et ça commence à bien tirer sur les genoux. Nous croisons un 4x4 en panne. Le croisement est difficile. Il faut commencer par une marche arrière le chauffeur tenant une lampe-torche à la main par la fenêtre pour remplacer les feux de recul en panne. Ensuite, nous attaquons par une déviation dans les fourrés, un peu en force. Ça continue dans les vallons. À 3 h, nous sommes à Daraina où tout est calme. Il y a une dernière côte nécessitant un débarquement. Nous quittons les collines pour des zones plus plates. La piste devient plus roulante. Le jour se lève mais le ciel est nuageux et nous n’aurons pas le droit à un lever de soleil. Nous longeons puis franchissons par un pont une rivière importante. À Karibo, nous déposons une première passagère.
Enfin, à 7 h 30, le goudron est en vue. Nous sommes à Vohemar. Ouf. Il nous a fallu 14 heures pour faire 160 km de piste et 100 km à vol d’oiseau. Nous nous arrêtons 45 minutes, le temps de décharger un passager, de remettre de l’eau dans le moteur, de nettoyer le filtre à air et de prendre un thé en ce qui me concerne. L’air est frais avec un petit vent. La route qui suit est bonne. Elle a juste des défauts ponctuels, non pas les habituels nids de poule, mais des endroits de quelques mètres où le goudron est déformé sans doute sous le poids des camions. Nous cheminons à travers une nature beaucoup plus luxuriante que tout ce que j’ai traversé depuis le début du voyage. Nous posons des passagers à Ampanefena. Ça sent la vanille dans la ville. Pas de doute, nous sommes bien sur la côte de la vanille. L’équipage, sans rien nous dire, va prendre son petit déjeuner, nous laissant dans le minibus. Enfin, nous terminons jusqu’à Sambava à midi. Je m’installe dans un hôtel à proximité du stationnement. Je vais me promener pour trouver à manger. La ville est organisée toute en longueur, sur plusieurs kilomètres, le long de la route nationale et parallèlement à la mer. Les taxi font simplement des aller-retour le long de la route en prenant autant de passagers qu’ils peuvent, facturant ensuite forfaitairement 500 Ar par passager quelque soit la distance. Je mange dans un restaurant sur le front de mer. Le temps est toujours bouché mais plus lourd et l’océan bien agité. Je vais me renseigner au bureau d’Air Madagascar sur les moyens de quitter la région. Je passe le reste de l’après-midi à faire la sieste à l’hôtel. Je mange quelques brochettes avant d’aller dormir.
Vivement le Parc de Marojejy. À suivre...