Expédition spéléo Malagasy 2006 dans les Tsingy de Namoroka
Mardi 25 juillet :
Au réveil, le ciel est parfaitement dégagé. La journée s’annonce radieuse. Nicolas découvre un veau agonisant à proximité du camp. Le guide arrive sans tarder, cette fois avec son riz et deux canards pour nous. Un petit avion à moteur survole le camp, presque incongru. Nous partons pour Antsifostra. Nous commençons par traverser la prairie puis nous attaquons dans la forêt. Nous trouvons d’abord quelques bouts de Tsingy fracassés avant de tomber sur une barre rocheuse avec un vrai départ de grotte. Celle-ci n’ayant pas d’appellation vernaculaire, nous lui donnons le nom de la zone, d’où Zohy Antsifostra. Et ça part dans tous les sens. Nous topographions, nous rebouclons tant et plus. Vers 15 h 45, nous arrêtons la topographie et ressortons par une nouvelle entrée que nous venons de découvrir. Première 1010 m. TPST (Temps Passé Sous Terre) : 6 h. Retour au camp. Moryl nous taille un sentier dans la forêt. Au camp, le veau a été dépecé dans la journée. Il y a aussi Radison, agent du parc. Il est arrivé dans la matinée et nous a cherchés sans succès. Il repart le soir même à Vilanandro pour dormir mais doit arriver le lendemain de bonne heure pour nous accompagner.
Mercredi 26 juillet :
Radison et Justin arrivent de bon matin. Le ciel présente des nuages et le temps sera lourd toute la journée. Nous partons à 8 h du camp. Nous retrouvons sans difficultés le chemin dans les bois même si quelques lémuriens facétieux ont enlevé quelques-unes unes des floquettes. Nous sommes à pied d’œuvre une heure plus tard. Nous continuons la topographie de Zohy Antsifostra. Nous lui ajoutons 575 m pour un total de 1585 m de développement. Nous cherchons ensuite des continuations sur le côté sans trop de succès. Nous sommes trop haut dans les couches. Nous décidons de ressortir par derrière et de tailler un azimuth en direction de la croisée des canyons, repérée sur la carte. Celle-ci est à 550 m mais nous en faisons à peine une centaine avant de trouver une grotte qui part en contrebas sur la droite. Nous commençons la topographie. Les malgaches trouvent de la vaisselle moyennement ancienne dont trois gamelles en ferraille, ça sera Zohy Velany Telo. Les malgaches font main basse sur l’ensemble de la vaisselle. Même si ce ne sont pas à proprement parler des vestiges archéologiques, ce n’est quand même pas une raison. Nous arrêtons la topographie au bout de 330 m car il se fait tard. Nous ressortons. TPST : 7 h. Au retour, nous trouvons un chemin qui nous évite de repasser par l’intérieur de la première grotte. Sur le chemin du retour, nous allons voir la reine et ses serviteurs. Nous repasserons quand il fera plus beau. Pour le moment, le ciel est complètement bouché par les nuages et le temps est bien lourd. Il fait 30°C. J’ai bu mes deux litres d’eau dans la journée sans aucun problème. En arrivant au camp, la charogne du veau pue bien. Le soir, c’est soupe et tisane pour la réhydratation. Entre les deux, on sacrifie un canard. Pendant que nous mangeons, les chiens errants rodent autour du camp.
Jeudi 27 juillet :
Au réveil, le soleil est masqué par quelques nuages mais ça ne va pas durer. En fin de journée, le ciel est de nouveau bouché avec une atmosphère lourde. Seul Moryl nous rejoint de bon matin au camp. Radison, qui a crevé avec sa bicyclette en venant nous rejoindra sur le terrain.
Nous retournons à Zohy Velanytelo. Après le côté droit la veille, nous attaquons la topographie côté gauche. Ça part bien, même très bien. Nous ne savons plus où donner de la tête. Dans le doute, nous avançons. Il y a de grands volumes, y compris un porche à entrées multiples d’une douzaine de mètres de haut et de plusieurs dizaines de large. Ensuite, nous nous enfonçons petit à petit dans le massif, direction plein ouest. La couche de calcaire gagne en puissance.
Il commence à y avoir des niveaux supérieurs de galerie. Au bout d’un moment, bien que les continuations ne manquent pas, nous décidons d’arrêter l’avance et de revenir progressivement vers l’entrée en topographiant les départs ignorés à l’aller. Nous y parvenons pas trop mal et ressortons vers 16h. Il reste encore tout une zone au fond à gauche en entrant. TPST : 7 h. Première : 1246 m. En revenant, les deux malgaches nous taillent une autoroute forestière dans les bois. Sur le chemin du retour, Radison repère un arbre à rustine et en coupe un jeune plant pour réparer la chambre à air de son vélo.
Vendredi 28 juillet :
Réveil par le chant du canard survivant. Il ne perd rien pour attendre. Beau temps au lever puis quelques nuages en fin de journée. Nous repartons pour continuer l’exploration de Zohy Velanytelo. Nous essayons de compléter tout ce qui se trouve sur l’arrière gauche. C’est moins facile que les jours précédents. Le réseau ne semble pas se développer très loin en profondeur. Pour résumer, nous avons la bande de forêt par laquelle nous pénétrons dans le réseau. Les entrées sont en pied d’une barre de Tsingy, en contrebas du sol de la forêt. Il se développe à ce niveau là un premier niveau du réseau avec en particulier des colonnes érodées de forme assez circulaire. Ceci indiquerait un creusement en régime plutôt phréatique, régime qui se produit sans doute encore partiellement en saison humide. Ensuite, au-dessus, nous trouvons des galeries, ou au moins des restes. Ces réseaux supérieurs semblent dater d’époques où les Tsingy étaient plus épais et sujets à de vastes circulations actives. Nous n’avons toutefois pas trouver pour le moment d’importantes galeries en conduite forcée comme dans Bemaraha. Nous topographions quand même 868 m en 7 h de TPST. Ce n’est pas terminé. Il faut continuer sur la gauche sans trop s’éloigner de la bordure des Tsingy. Rien à signaler lors du retour au camp. Un fin croissant de nouvelle lune se montre au début de la nuit pendant que nous mangeons.
Samedi 29 juillet :
Beau temps avec un fort vent. Seul Moryl vient au camp ce matin. Il arrive alors que nous allions partir. Nous retournons dans Zohy Velanytelo topographier les zones les plus à l’ouest. En chemin, noua voyons de joyeux lémuriens gambader sur les pics des Tsingy surmontant Zohy Antsifostra. Dans la grotte même, nous parvenons à expliquer à Moryl qu’il ne faut pas graver des flèches et ses initiales au masobe (coupe-coupe malgache) partout dans la grotte. Il comprend et se contente par la suite de faire des cairns. Pour les arbres, ce n’est pas encore ça. Nous faisons une sortie sur le nord du réseau, en remontant un canyon. Nous prenons un point GPS. Nous sommes à proximité du point côté 160 sur la carte. Nous continuons la topographie et bouclons à peu près la zone. Quand nous continuons plus à l’ouest, il n’y a plus que des canyons à ciel ouvert. Nous décidons de ressortir en essayant de trouver un nouveau passage. Nous prenons un des canyons qui part vers l’ouest. Il remonte. Nous émergeons plus loin. Nous sommes encore au milieu des blocs de Tsingy broyés. Ensuite, en obliquant vers le sud, nous arrivons à rejoindre la forêt, 300 m à l’ouest de l’entrée initiale. Moryl s’abîme le pied à l’occasion. Ça reste problématique que les personnes qui nous accompagnent soient chaussées en tongs. À l’heure du bilan, nous avons topographier 868 m de plus pour un développement total Zohy Velanytelo de 3290 m. TPST : 7 h. On pourrait assez facilement envisager un circuit touristique qui traverserait cette cavité et ressortirait comme nous avec un passage par le toit des Tsingy Nous repérons de l’autre côté de la forêt des amorces de canyons à voir le lendemain. Demi-tour, direction le camp. Moryl a l’air de faire la gueule. Il part devant dans la forêt sans tailler de layon dans cette partie nouvelle. Par contre, dans la partie déjà aménagée, il massacre encore un arbre ou deux. De retour au camp, alors que Nicolas se lave au bord du plan d’eau, un groupe de villageois arrive en charrette pour pêcher. Et ça mord. C’est même la pêche miraculeuse à l’anguille. Ensuite, ils se font un feu et s’installent pour manger. Dans le noir, un animal se manifeste vers notre camp. Les malgaches se font des torches avec des branches de palmier et essaient de voir où il est passé.
Dimanche 30 juillet :
Sans doute la nuit la plus froide du camp. Les minimales ont dû descendre en dessous de 20°C. Le matin, nous attendions Radison, agent de conservation, c’est Justin qui est venu en remplacement de Moryl qui prenait une journée de congé. Nous repartons dans la zone repérée la veille. Par rapport au canyon forestier s’enfonçant entre les morceaux de Tsingy vers l’ouest, il s’agit du côté sud. Les amorces vues la veille ne donnent rien, les Tsingy étant trop concassés. Nous finissons par trouver une entrée intéressante toujours plus à l’ouest. Nous la baptiserons Zohy Tsarabe en raison de ses vastes galeries faciles à topographier. Nous partons dedans topographie en tête. C’est grand et ça va bien. Résultat, 1400 m de topographie et ce n’est pas terminé. Par contre, Justin continue à mettre des inscriptions sur les parois de la grotte, certes moins que Moryl. Nous n’avons pas le courage de lui refaire une explication de texte. Nous ressortons. TPST 6 h. Au retour, Justin améliore le layon qu’il avait commencé à l’aller. Au camp, nous devons un peu insister pour que Justin nous tue et plume le dernier canard avant de partir.
Lundi 31 juillet :
Toujours beau temps. Moryl est de retour au camp le matin. Il a troqué ses tongs contre des sandales plastiques, quand même beaucoup plus pratiques pour crapahuter dans les Tsingy Toujours pas de Radison par contre. Nous retournons à Tsarabe et nous terminons la topographie dans la matinée (516 m). La grotte totalise 1917 m de développement. Visiblement, Moryl n’a pas intégré qu’il ne faut pas graver les parois. Il recommence à mettre des flèches et ses initiales par endroit. C’est en baisse mais toujours trop. Nous renonçons à lui expliquer. Nous pique-niquons dans la galerie d’entrée. À voir les traces sur les parois, celle-ci doit se remplir d’eau en saison humide sur 3 à 4 m de haut. Ça serait alors sans doute sympathique de se balader dedans en canot, vu la largeur. Grande nouveauté, Moryl s’est amené de la patate douce à manger pour le pique-nique. Après le repas, nous ressortons (TPST 3 h 30) et reprenons notre progression vers l’ouest, toujours plus profond dans la forêt sauvage. Nous trouvons une première petite grotte, Zohy Mamabe (grotte de la grand-mère) que nous topographions (69 m, TPST 1/2 h). Nous tombons ensuite sur une zone de Tsingy broyés. Quelques petits départs sans intérêts. En ressortant de la zone broyée, il y a de nouveaux des bois. En longeant une barre rocheuse en directions de grands Tsingy, nous trouvons la grotte des vieux zébus (Zohy Omby Antetse).
Elle recèle dans son entrée deux statuettes de zébu en terre cuite. Il y a aussi un matelas fin, un reste de bidon, une corne de zébu et un manche de couteau. Compte tenu de l’heure tardive, nous démarrons la topographie à grande vitesse. Il n’est pas exclu qu’un départ ou deux aient été ignorés. 2 h 30 plus tard, nous avons levé 1000 m de première. Il est 17 h 15 et il est temps de partir. Nous mettons devant nous le débroussailleur des Tsingy et son masobe et nous lui indiquons la direction à suivre au GPS, en essayant de revenir sans passer par la zone de Tsingy broyés. Ça marche bien et nous rejoignons sans trop de mal la trace aller pas très loin de Tsarabe. À la sortie de la forêt, il est 17 h 46, l’heure où le soleil se couche, d’après le GPS. En pratique, ça fait déjà un moment que nous ne l’avons pas vu directement. De retour au camp, c’est l’heure des comptes. Nous avons réalisé en tout 7867 m de première. Côté organisation, Moryl nous quitte après que nous l’eussions payé. Nous lui donnons aussi une partie de nos restes de nourriture. Là où ça se complique, c’est pour la charrette. Nous l’attendions au camp le soir même mais malgré nos multiples avertissements aux divers intervenants, elle n’est pas là et apparemment, personne ne nous a compris. Après de longues explications avec Moryl, il doit dès son retour à Vilanandro prévenir pour qu’on nous envoie une charrette. En attendant cette hypothétique charrette, nous rangeons notre matériel, nous préparons nos sacs et nous allons nous coucher.