Expédition spéléologique dans les Tsingy de Namoroka
Mercredi 29 juillet :
Nous terminons l’installation du camp. Il faut reprendre les bonnes habitudes : vérifier les chaussures avant de les enfiler, suspendre la nourriture pour ne pas se la faire manger, lutter contre les fourmis, faire attention que les petits bobos ne s’infectent pas... Nous allons tous ensemble voir la rivière à côté de Kapiloza qui doit nous servir de source d’eau potable. Nous trouvons facilement la rivière et en la remontant, nous trouvons une zone où elle coule claire. Après avoir nettoyé et rempli les bidons, nous nous lavons au bord sans néanmoins se baigner, la présence de crocodiles étant probable. De retour au camp, nous partons pour la spéléo avec Tantely. Nous avons du mal à retrouver le chemin de l’année précédente dans les taillis. Une partie de nos floquettes se sont désagréges et nous les retrouvons au sol en morceaux. De plus, faute de guide, nous n’avons pas de mesobe (coupe-coupe) pour retailler le chemin. Nous parvenons quand même aux anciennes entrées. De là, nous attaquons au sud-ouest en restant plus au moins à flanc de parois pour essayer d’avancer dans le canyon repéré sur la vue aérienne. Nous finissons par trouver une entrée à une soixantaine de mètres des précédentes. Comme il est une heure passé, nous commençons par casser la croûte à l’intérieur de la grotte avant d’attaquer la topographie. Nous démarrons par le plus évident. Nous laissons plusieurs départs latéraux. Nous effectuons aussi une sortie dans le canyon. Enfin, l’heure passe et nous décidons de ressortir. Sur le chemin du retour, dans la forêt, Nicolas se fait attaquer par un nid de guêpes. Tantely part dans la nuit pour Vilanandro car il a des obligations sur place de bon matin.
Jeudi 30 juillet :
Départ un peu poussif le matin. Cette fois, nous sommes tous seul. Nous essayons de nouveau d’améliorer le chemin avec nos faibles moyens. Nicolas casse son couteau-scie en taillant des branches. Nous croisons aussi une bande de sifaka qui passe sur les arbres au-dessus de nous. Dans la grotte, nous décidons d’écumer les départs de manière plus systématique. Comme nous partons toujours sur la gauche, nous ressortons régulièrement dans le canyon. Lors de la pause repas, nous mesurons une température de 24°C dans la grotte. Nous levons une colonie de chauves-souris. Il y en a aussi d’autres qui vivent isolées comme une que nous avons observée suspendue au bout d’une stalactite. Dans le coin, elles n’ont pas trop l’air de chercher les infractuosités à l’abri du courant d’air. Nous découvrons aussi une zone avec une interstrate en hauteur qui est presque complètement érodée. On se demande comment les masses calcaires supérieures font pour tenir. En fin de journée, à l’occasion d’une dernière sortie , nous pouvons accéder au toit des tsingy, par-dessus les zones que nous explorons. Il y a non seulement des zones importantes de tsingy mais aussi des îlots de végétation sur les tsingy avec entre autre des baobabs. Lorsque nous reprenons la topographie sous ces zones, il ne fait pas de doute que ça correspond aux importants concrétionnements que nous rencontrons. Nous arrêtons la séance du jour sur une zone avec de multiples départs. Nous rentrons au camp à la nuit tombante. Un peu après arrivent, Tantely, Justin et José. Ce dernier va remplacer François comme gardien du camp et cuisinier. Dans la journée, deux poules ont rompu leurs ficelles et se sont enfuies dans les tsingy mais, bonnes filles, elles sont revenues au campement en fin de journée. Elles se sont juste installés sur des branches en hauteur. François attend simplement l’obscurité pour qu’elles soient endormies. Il les chatouille alors avec un bâton, ce qui a pour effet de les faire tomber par terre.
Vendredi 31 juillet :
Petite pluie dans la nuit. Finalement, Tantely va rentrer à Vilanandro pour préparer les JME (Journées Mondiales de l’Environnement). François reste à la garde du camp alors que Justin et José viennent avec nous sur le terrain. Nous améliorons de nouveau le sentier d’accès mais cette fois, ce n’est plus avec un coupe-ongles. Nous continuons dans l’écumage des départs sur notre gauche. Ça redonne souvent dans des sorties en bordures des tsingy. Néanmoins, à part une (NA45), nous ne cherchons plus systématiquement à les atteindre, ce d’autant plus qu’elles présentent des éboulements à leurs entrées. À midi, nous effectuons la pause repas dans une zone où il y a des chauves-souris bien plus grandes que la veille. Ensuite, nous arrêtons la progression gauche-toute pour tenter de faire du rebouclage, ce que nous réussissons assez bien. Nous parcourons au passage d’importantes zones concrétionnées. Il semblerait que ceci corresponde aux zones couvertes des tsingys vues la veille et en particulier à l’aplomb des baobabs. Nous observons même ponctuellement des concrétions actives avec circulation d’eau. Retour au camp sans difficultés. Alors que François était au camp, une personne a essayé d’attaquer une de nos poules avec une flèche tirée par une sarbacane. Il semblerait qu’il s’agisse d’un gardien de zébu qui a l’habitude de chasser dans le coin en marge de son boulot. Dans le doute, pour limiter les pertes, nous sacrifions un premier poulet le soir.
Samedi 1er août :
Nous commençons à être un peu plus rodés le matin. Nous continuons vers la gauche comme les jours précédents. Les sorties vers l’extérieur paraissent être de plus en plus à l’intérieur des tsingy et de moins en moins dans un canyon arboré. La puissance du calcaire se rapproche des 30 mètres. C’est aussi la journée des méga-chiroptères. Ce sont les mêmes que la veille mais en plus nombreux. Ils font bien 50 cm d’envergure en vol et quand ils en posent une, ce n’est pas du pipi de chat, c’est de l’étron, du vrai. Il y en a plein les parois. Nous accélérons le mouvement lorsque nous faisons la topographie dessous. Au passage, j’attrape une tique au mollet mais elle ne survit pas longtemps. Dans l’après-midi, nous décidons de quitter la direction gauche et ses trop nombreuses sorties pour essayer de nous enfoncer un peu plus dans le réseau. C’est une réussite et ça devient bien labyrinthique. Nous avons un peu du mal à nous y retrouver dans la topographie malgré les petits bouts de papier que nous posons à chaque carrefour. Néanmoins, nous bouclons une certaine zone. Ensuite, nous décidons de retourner à la sortie en essayant de compléter quelques branches parallèles. Retour à l’extérieur sans problème. Au camp, François et Justin ne restent pas car ils doivent aller se ravitailler en riz. Seul José assure la logistique. Dans la soirée, nous entendons un bruit de sono au loin. À voir la direction, ça vient de Vilanandro à plus de 10 km (en fait, pas tout à fait).
Dimanche 2 août :
Justin est de retour de bon matin, à l’heure dite. Par contre, François n’est pas là car il a une réunion avec Haja, la chef de secteur. Aussi, nous ne partons sur le terrain qu’avec José. Nous décidons de ne pas aller plus en avant dans le réseau mais de compléter une zone intermédiaire. Il y a toujours nos copines les chauves-souris géantes. On espère qu’elles sont toujours frugivores car c’est le modèle qui t’embarque un arbre fruitier en entier et le désosse au nid. Il y a aussi un endroit où elles restent suspendues au plafond à notre passage, peut-être une nurserie. Globalement, le secteur que nous explorons bute sur des zones d’effondrements à ciel ouvert et des canyons forestiers. Ça permet d’assez bien délimiter notre zone d’exploration et d’en compléter la topographie. Le soir, de retour au camp, François est de nouveau là. Une de nos poules est pondeuse et c’est déjà son troisième œuf. C’est elle que nous mangerons en dernier. En attendant, un deuxième poulet passe à la casserole.
Lundi 3 août :
Aujourd’hui, ce sont Justin et François qui nous accompagnent sur le terrain pendant que José reste au camp. Nous passons dire bonjour aux chauves-souris. L’appellation malgache pour le grand modèle est Fanihy et pour le petit Potipoty.
Aussi, nous baptisons la cavité Zohy Potipoty. Nous rattaquons la topographie sur quelques départs laissés la veille. En fait, de fil en aiguille, on avance et ça devient de plus en plus compliqué. Dans certains secteurs, on bute sur des zones avec beaucoup de blocs effondrés et des restes de galeries à ciel ouvert. Dans d’autres directions, ça continue. Nous regrettons de ne pas avoir le PDA qui permet de dessiner la topographie en temps réel. Alors que l’heure tourne, nous décidons de laisser plusieurs départs dans des zones intéressantes. Sur le chemin du retour, à l’intérieur de la grotte, je m’entaille le genou sur un rocher couvert de fiente de chauve-souris. Il y a un petit vent frais au moment de la douche. Le soir, il y a de nouveau la sono au loin mais moins fort et plus du côté d’Analatelo. Nicolas se taille aussi le pouce en ouvrant une boîte de conserve avec son couteau de combat.
Mardi 4 août :
Le vent frais a soufflé toute la nuit et la petite laine est appréciable au réveil. Justin et François sont toujours de la partie pour venir avec nous. Du sanglier est passé sur notre chemin d’accès. Nous sommes à l’entrée de la grotte à 8 heures du matin. Au début, ça pédale un peu dans la semoule et nous retopographions par erreur certaines sections de galeries. Ensuite, ça va un peu mieux. En particulier, nous réalisons une jonction par une boucle importante avec la zone de pique-nique du troisième jour. Enfin, nous tournons dans un secteur où nous avons quelques difficultés à avoir une vue d’ensemble. Malgré une sortie tardive, le score du jour n’est pas superlatif. En ressortant, nous découvrons dans la salle d’entrée une poterie que nous n’avions pas repérée lors de la topographie. Nous rentrons au camp au crépuscule avec le clair de lune. Justin et François retournent de suite à Vilanandro, le premier pour se ravitailler en riz, le second pour une réunion le lendemain matin. Ce soir, la sono ambulante est à Vilanandro pour les JME.
Mercredi 5 août :
Le coq survivant profite du fait qu’il n’a plus de concurrence pour s’exprimer fortement bien avant l’aurore. Justin n’est pas là de bon matin. Nous avons beau attendre jusqu’à 8 heures passé, il ne pointe pas le bout de son nez. Aussi, nous partons tout seul, José restant à la garde du camp. Nous lui avons donné des pâtes car il n’avait pas non plus de riz pour le petit déjeuner. Nous avons commencé par une petite séance de retopographie. À chaque fois, c’est le même scénario. Nous arrivons par un passage supérieur dans une zone que nous pensons nouvelle mais après quelques visées, il s’avère que nous sommes dans une zone déjà connue. Ensuite, nous attaquons réellement la topographie. Nous réalisons plusieurs jonctions, ce qui commence à donner de la consistance à l’ensemble du réseau. À midi, nous nous partageons la dernière orange. Les denrées périssables se font rares, ce d’autant plus qu’elles ont souffert du transport initial. Dans l’après-midi, nous travaillons sur un secteur que nous bouclons complètement à l’exception d’un départ prometteur que nous gardons pour plus tard. La barre des 10 km est franchie. De retour au camp, Justin est là. Il a eu quelques difficultés à trouver du riz blanc. Nous sacrifions le coq pour des matins plus calmes. Il y a toujours la sono. La veille, c’était pour un film sur l’environnement. Aujourd’hui, c’est le bal populaire. Les fourmis mutantes sont de plus en plus envahissantes autour du foyer. Elles résistent même à l’eau bouillante pendant 2 heures.
Jeudi 6 août :
Nous partons avec José vers le fond du réseau avec l’objectif de partir sur la droite et non à gauche comme la veille pour essayer de jonctionner une partie explorée quelques jours auparavant. Et en pratique, nous rebouclons beaucoup plus vite que prévu. Nous commençons à topographier la zone de jonction un peu dans tous les sens avec des petits départs de ci de là. Alors que nous commençons à en avoir marre des petites boucles de rien du tout, un grand départ tout noir nous appelle. Nous fonçons dedans et effectivement, nous alignons les visées de topographie. Vers midi, nous cherchons une zone avec de la lumière pour manger. C’est alors que certaines diaclases présentent un air de déjà vu. Après un bref arrêt repas, nous repartons en topographiant cette nouvelle jonction que nous n’avions pas prévue. Ensuite, nous revenons un peu en arrière et attaquons les départs laissés à l’aller. Il y a en particulier une zone bien concrétionnée. Le secteur s’étoffe bien et nous n’en venons pas à bout quand nous arrêtons. Le cap des 500 carefours est atteint. Nous avons d’ailleurs épuisé le stock de papiers prédécoupés pour marquer les carrefours. Le retour à l’entrée du réseau devient compliqué et les carnets topographiques sont nécessaires pour s’y retrouver. Nous sortons à la nuit tombante et en plus, le ciel est couvert. François est de retour au camp mais il ira bien vite rejoindre les bras de Morphé suite aux agapes de la veille à Vilanandro. Nous nous cuisinons des œufs brouillés avec du chedar et des pommes de terre. Merci la poule pondeuse. C’est plus proche de la tartiflette que de l’omelette. Il semble qu’il y ait à la tombée de la nuit un gros vol de chauves-souris (les grandes, Fanihy) du nord vers le sud, qui passent au-dessus de notre campement.
Vendredi 7 août :
C’est l’ultime journée sur le terrain. Justin et François nous accompagnent sous terre. Nous commençons par compléter la topographie dans la zone d’entrée. Même s’il n’y a pas surprise, nous avons quand même laissé plusieurs belles galeries dans le secteur. Ensuite, nous complétons avec quelques sorties à terminer. Enfin, nous retournons sur la zone de la veille. Nous sommes vraiment en bout de course. Nous n’avons plus de carbure pour la lampe de Nicolas et il manque de piles pour l’éclairage à led d’Éric, le panneau solaire pour recharger les accus étant défaillant. À midi, nous mangeons les derniers morceaux de pain de mie moisis. Nous tournons, retournons et bouclons pas mal la zone. Nous sommes presque à la fin du troisième et dernier carnet topographique. En changeant de secteur, nous manquons de perdre l’équipe malgache. Enfin, nous retournons à l’entrée que nous atteignons en 20 minutes. Le soir, alors que nous totalisons sur le PDA les résultats du jour et de la dizaine, la lune se lève sur le plan d’eau. Nous arrosons le score du séjour avec 14 km de première. Nous passons la poule pondeuse à la casserole. Ça fait toujours mal de sacrifier l’outil de production. Mais c’est en fait une vieille carne qui résiste longuement à la cuisson. Et même après ce traitement, il faut avoir des crocs bien affûtés pour la manger. Coucher tardif... par rapport aux mœurs locales.