Visite en remontant de Majunga à Diégo-Suarez
Dimanche 6 août :
Il est temps de quitter Mahajanga. J’ai rendez-vous au stationnement à 9 h 30 pour un départ à 10 h. En pratique, le minibus démarre à 11 h. La route est bonne au début et ça roule bien. Le temps est lourd, avec des nuages qu’on dirait orageux chez nous. Chez eux aussi, d’ailleurs, puisque nous avons droit à quelques petits passages pluvieux. Au moins temporairement, ça refroidit bien l’atmosphère. À un moment donné, il y a dans le taxi-brousse un bruit inquiétant d’axe qui tape contre la carrosserie pendant quelques secondes. Le chauffeur s’arrête et va jeter un coup d’œil mais ne trouve rien. Il repart jusqu’au village suivant où nous faisons une halte-repas. Le repas est assez réduit vu qu’il n’y a plus de riz dans l’hotely en face. Pendant ce temps, le chauffeur démonte les roues arrières mais sans plus de succès. Mais comme le problème ne se manifestera plus par la suite... Nous reprenons la route qui est légèrement moins bonne ensuite, celle-ci s’étant partiellement affaissée. Nous arrivons à l’embranchement pour Diego. À partir de là, c’est le grand luxe. Route est très bon état, marquage au sol, nouveaux panneaux métalliques signalant les entrées de village, panneau de limitation de vitesse - sans trop d’effet -, trottoirs et emplacement de parking dans les villages. Il va falloir qu’il se calme, Ravalomanana. Mes impôts !!! Tout à coup, je vois concomitamment une grande partie des passagers sortir des lambahoany et se les nouer autour de la tête. Le goudron n’est rapidement plus qu’un souvenir et laisse place à la latérite. Ce n’est pas catastrophique, il n’y a pas de nids de poules, juste de la taule ondulée. Pour mes impôts, ce n’est pas gagné car il s’avère que le tronçon est en chantier. Après plusieurs kilomètres, on commence à découvrir les ouvrages d’art en cours de réalisation dont la construction est bien avancée. Les aménagements des bas-côtés sont aussi en bonne voie et je pense que la piste elle-même a déjà été nivelée. C’est pour ça que la piste est assez roulante. Seules les déviations par le bas-côté à chaque pont en chantier cassent le rythme. À Mampikony, il y a la base de l’entreprise qui fait les travaux. Ils ont mis les moyens. Remarque, il faut bien ça quand on entreprend la restauration de front de 100 km de nationale. Dans un contournement de pont en construction, le taxi-brousse cale. Le diagnostic est un filtre à gasoil encrassé par la latérite. Heureusement, un collègue de la même compagnie de taxi-brousse passe par là et prête sa clé à démonter le filtre à gasoil. Un nettoyage. Ça ne repart pas. Un autre bricolage dans le moteur et c’est bon, le tout en moins d’un quart d’heure. À la dernière pause, c’est le démarreur qui fait des caprices. Démarrage en poussant. Nous arrivons à Port-Berger à 19 h 30. Le chauffeur m’indique un hôtel pour touristes à proximité. Je m’y installe puis je vais manger dans une des gargotes autour de la place du marché. Je fais connaissance avec les piliers de bar. De retour à l’hôtel, je dors, bercé par le bruit d’un groupe électrogène. Après minuit, il n’y a plus d’électricité et je découvrirai le lendemain matin que c’est le groupe du relais pour téléphones portables installé sur le château d’eau voisin.
Lundi 7 août :
Réveil à 8 h. Je vais faire un tour sur la place du marché. Celui-ci est assez animé. Il y a aussi un camion qui fait de la vente à la criée. La sono est à la limite du larsen. Le gars débitera son discours non-stop toute la matinée même si à la fin, la foule sera plus clairsemée autour du camion. Je m’installe à la terrasse d’un bar à proximité et j’en profite pour rattraper le retard de mon journal de voyage. Ensuite, je vais me promener dans les faubourgs de Port-Berger, écrasés sous le soleil et balayés par un vent poussiéreux. Pas grand chose à signaler. À midi, je mange un poulet-sauce et son riz sur la place du marché. Je tente ensuite une petite sieste. Malheureusement, l’électricité est aussi coupée l’après-midi. Le ventilo s’arrête et le groupe électrogène démarre. Je ne dors pas bien longtemps. En fin d’après-midi, je vais un peu à l’extérieur de la ville pour voir le coucher de soleil mais il n’y a pas un seul nuage et ça ne donne pas de superbes couleurs. Le soir, brochettes, soupe chinoise, sambos et THB sur la place du marché. Port-Berger est à peu près à mi-distance entre Tana et Diego, un jour de route de chaque côté pour un véhicule correct. Aussi, la nuit, la cours de l’hôtel se remplit de 4x4 qui font relâche.
Mardi 8 août :
Réveil à 6 h. Je vais de suite au stationnement. On me confirme qu’il y a bien un taxi-brousse qui doit partir pour Antsohihy. D’ailleurs, peu après, un gros 4x4 pas tout jeune arrive de la station-service. La taille du véhicule me fait craindre le pire quant à l’état de la route à venir. Je donne mon bagage et vais prendre mon petit déjeuner à côté. Nous partons à 7 h 20. Je suis sur une banquette, juste derrière le chauffeur. Nous ne sommes pas trop serrés même si j’ai quelques difficultés à caser mes cannes. Mon voisin, qui est un malgache assez grand, a le même problème. La route est bonne au début, elle vient d’être refaite.
Néanmoins, la voiture vibre pas mal et elle ne dépassera pas les 60 km/h. Par moment, avec le bruit du moteur et les vibrations, on a l’impression d’être dans une vieille 2 CV brinquebalante. Après 15 km, nous attaquons la portion en chantier. Ça reste assez roulant, les parties sans goudron ayant déjà été nivelées et il y a peu de déviations sur les ouvrages d’art en chantier. Nous traversons la rivière Sofia sur le plus grand pont de Madagascar. Bien qu’il fasse 700 m de long, il n’est pas spectaculaire car il ne s’élève guère au-dessus de la vallée. À mi-parcours, nous faisons une première pause quand un bagage bascule de la galerie de toit et se retrouve à pendre contre les vitres. Nous passons ensuite devant la base de vie de Colas, la société adjudicatrice de ce tronçon de route. Même si la base est moins importante que celle de la veille, elle reste impressionnante car elle est posée en pleine brousse, à l’écart de tout. D’un côté de la route, il y a le dépôt de matériel alors qu’en face, il y a les dizaines de cases des employés, alignées au cordeau. Enfin, il y a un poste de secours avec la climatisation. Au km 86,5, nous tombons en panne de gasoil. Les mystères de la vie malgache : comment a-t-on pu en arriver là ? Heureusement, après dix minutes, un providentiel camion-citerne de Colas accepte de nous dépanner. Quelques kilomètres plus loin, nouvelle halte pour charger du fret et des passagers. Nous commençons à être serrés. Ça ne dure pas trop car nous larguons les premiers passagers à Anahydrano. Dernière pause pour un contrôle de gendarmerie. La maréchaussée n’a pas l’air d’être très contente de l’état du pneu avant gauche qui présente de profondes entailles et commence même à fuir. De plus, il paraît y avoir un problème sur la localisation de ce véhicule qui ne semble pas être sans sa zone habituelle de travail. C’est en tout cas sûr en ce qui concerne le chauffeur qui ne connaît pas la route. Nous pouvons repartir et terminons jusqu’à Antsohihy avant que la roue ne soit complètement en plat. Nous passons devant le QG de Colas qui a carrément des bâtiments climatisés en dur à l’entrée de la ville. Nous arrivons vers midi, soit 4 h 30 pour 125 km. La moyenne est inférieure à 30 km/h alors que la route était acceptable. Je m’installe dans la haute ville à l’hôtel central qui a connu des jours meilleurs. Dans l’après-midi, je pars à la recherche du port, en vue d’aller à Analalava par le fleuve Loza. Un peu au flair, je finis par trouver une jetée en béton avec un grand hangar bien achalandé mais pas de bateau, juste quelques pirogues qui passent sur le fleuve. C’est plus un lieu de promenade qu’autre chose quand j’y suis. Le soir, bien que la ville me paraisse plus grande que Port-Berger, elle ne présente pas d’animation significative, au moins dans sa partie haute.
Mercredi 9 août :
Réveil aux aurores. Je me rancarde auprès du gérant de l’hôtel sur le bateau pour Analalava. Il me dit qu’il faut aller au port Solima et non au petit port et qu’à priori, il y a un départ tous les matins. Sitôt dit, sitôt fait, je suis sur place où il y a un bateau à moteur en partance. À 7 h, démarrage du moteur à la manivelle. Nous sommes une dizaine de passagers. Au début, je suis installé sur un banc à proximité du moteur mais je ne tarde à migrer vers la proue comme d’autres passagers. Je peux profiter du paysage plus calmement. Nous filons à 13 km/h à travers la mangrove, dans ses boucles, ses méandres, ses îlots et ses affluents. Nous croisons quelques pirogues et dépassons deux boutres qui, à voile, vont pratiquement aussi vite que nous. Le bateau est assez calme, bercé par le ronronnement du moteur et les passagers ne se parleront pratiquement pas durant tout le trajet. À intervalles réguliers, le mécanicien écope le fond du bateau à grands coups de seaux. Sur les berges, en profitant des renfoncements, les riverains ont installé des pièges faits de filets maintenus verticalement par des pieux. À marée haute, les poissons rentrent dedans en passant par-dessus. Mais quand la marée redescend, ils ne peuvent plus repartir au large. Cependant, bien que la marée soit déjà basse, je ne verrai personne récolter un éventuel contenu. Après deux heures de navigation, en rive gauche, la mangrove laisse place à une bute en latérite faiblement couverte de forêt. Il me faut retirer mon chapeau car nous avons à faire à un doany, un cimetière de rois du cru. Après, le fleuve s’élargit pour former un lac. Dès que le vent faiblit, l’air devient lourd et le soleil cuisant. Après le lac, nous nous engageons dans un défilé entre les collines. Petite pause pour débarquer trois passagers, mami comprise. Nous repartons. Le fleuve décrit un grand virage à gauche au centre duquel se dresse un promontoire. Il constitue un nouveau doany, retrait des chapeaux compris. Enfin, après un dernier virage à droite, l’horizon s’élargit et nous voyons apparaître la mer entre les collines. Parvenus à l’embouchure, nous obliquons à gauche pour rejoindre Analalava même. Au large, il y a deux îlots bien visibles, un dans le style plage de sable fin et cocotiers, l’autre sous forme d’éperon rocheux. Nous accostons à la jetée ou ce qu’il en reste juste avant une heure de l’après-midi. Nous avons mis moins de six heures pour parcourir 65 km. Ce n’est pas si mal et finalement bien plus confortable que le taxi-brousse, exception faite des coups de soleil que j’ai pris sur les bras. C’est la première fois que ça m’arrive au cours de mes quatre voyages à Madagascar alors que je n’ai jamais mis de crème solaire. Je m’installe dans un bungalow de l’hôtel Malibu, en bord de plage. Dans l’après-midi, la marée remonte et le vent du large, le Talio, s’installe, générant une bonne houle. Je renonce à me baigner et à défaut, je prends une douche pour éliminer la transpiration du matin. Je serai de nouveau poisseux le soir bien que n’ayant pas fait beaucoup d’effort, l’air étant très humide. Ensuite, petite ballade en ville et sur la jetée. Le soleil se couche et c’est beau. Oui, bon, il ne faut pas exagérer non plus. C’est légèrement plus joli que sur la campagne mais il manque toujours des nuages pour donner du relief. Le soir, je dois traverser toute la ville pour trouver l’epi-bar rasta où il y a un peu d’ambiance. Cette fois, j’évite les piliers de bar vu que c’est plutôt le bar qui les soutient que l’inverse. L’un deux tente quand même de venir discuter avec moi mais le service d’ordre le convainc du contraire.
Jeudi 10 août :
Grasse matinée jusqu’à 7 h. Profitant de la marée basse, je tente d’aller me baigner. L’eau est assez trouble, sans doute les alluvions de la Loza, avec de petites méduses marrons de deux à trois centimètres de diamètre qui dérivent. En plus, le fond est vaseux et ne s’abaisse que très progressivement. Il y a bien quelques autochtones au bord de l’eau mais c’est pour la collecte et aucun ne se baigne. Finalement, je préfère renoncer. Je vais ensuite me promener en direction du bac. Je passe devant la douane où le gabelou m’alpague. Il cherche des informations sur un voilier de touristes que nous avons croisé remontant la Loza à moteur la veille et qui serait redescendu le matin. Je ne lui suis pas d’un grand secours. Il voudrait aussi que je lui donne des pellicules photos pour son appareil. Je passerai dans l’après-midi lui en donner une vieille de 400 ASA que je gardais en réserve en cas de mitraillage intensif. Je vais ensuite au bac qui est à deux kilomètres de la ville. Celui-ci paraît en bon état, mais présentement, à marée basse, il est échoué à une vingtaine de mètre de la rampe d’accès. Et à voir le tas de bois stocké sur l’accès, il ne doit pas servir tous les jours. Retour en ville. Globalement, la ville s’étale le long de la rue principale qui est à flanc de colline. Comme beaucoup de petites villes malgaches, elle comporte peu de bâtiments à étage et ils sont bien espacés, ce qui donne plus l’impression d’être dans un gros bourg qu’autre chose. Pourtant il s’agit d’une sous-préfecture - Florac aussi - qui a dû connaître son heure de gloire. À une époque, il semblerait que la route pour Diego passait par-là, empruntant la rue principale et allant jusqu’au bac. Il reste de l’époque coloniale beaucoup de bâtiments en dur, qui même en ce temps là, devaient avoir un charme limité. Maintenant, la plupart sont dans un état de ruine plus ou moins avancé même si certains sont encore habités comme l’ancienne maison du gouverneur et son reste de terrasse. On trouve aussi, réparties dans toute la ville, des petites bornes-fontaines en béton, toutes du même modèle, et qui sont à sec. Sans doute les restes d’un quelconque programme humanitaire. La ville est calme, avec très peu de véhicules, surtout des 4x4 de l’aide au développement. Je vais manger à l’autre hôtel pour touriste de la ville, le Narinda.
Ils ont une bibliothèque et je profite de la préparation de mon repas pour lire "Maigret et le client du samedi" que je termine au café. D’ailleurs, à propos de touristes, on se demande où ils sont. J’ai l’impression d’être le seul Vazaha de la ville et il doit y avoir une demi-douzaine de touristes malgaches. Pourtant l’hôtel où je suis s’agrandit ! Dans l’après-midi, un bateau relativement important vient accoster. Je vais faire un tour sur la jetée pour me renseigner. L’Eletra est une coque métallique d’une quinzaine de mètres de long. Il doit aller à Majunga, ce qui n’est pas la direction qui m’intéresse. Il y a aussi trois voiliers de touriste qui viennent jeter l’encre pour la nuit.
Vendredi 11 août :
Avant six heures du matin, j’entends des cloches sonner. Il doit y avoir un couvent. J’ai d’ailleurs aperçu la veille une bonne sœur dans un pick-up Raoul Follereaux. Je me lève et le fond de l’air est frais. Les malgaches se promènent dans leur lamba. L’Eletra est en train d’appareiller alors que deux des voiliers sont déjà partis. Il est temps de quitter Analalava. Comme il n’y a pas de bateau providentiel allant vers le nord, il ne me reste plus qu’à retourner sur Antsohihy. Pour la voie fluviale, deux des trois bateaux sont en panne. Le dernier n’assure le service que dans un seul sens chaque jour. C’est le mauvais jour. Le temps que l’hôtel se réveille, je vais prendre mon petit déjeuner puis je pars à la recherche du taxi-brousse que je trouve sans difficultés. C’est une 404 bâchée de 28 ans d’âge. Je m’inscris vers 8 heure. Je suis légèrement inquiet car, à voir le cahier, il me semble qu’il y a déjà du monde d’inscrit dont une personne pour douze places. À 8 h 30, le taxi-brousse démarre et fait demi-tour pour se garer de l’autre côté de la rue. 9 h, je donne mes bagages. 9 h 45, le taxi-brousse part faire une tournée en ville. Pendant ce temps là, je vois un vazaha et ses deux têtes blondes. Ce sont les premiers vazahas que je vois depuis que je suis à Analalava. Plus tard, je verrai aussi une famille d’américains déjà croisés à Soalala et à Majunga. Je tente aussi un mélange de banane, manioc et noix de coco dans une gargote à proximité. Sur le sol de la maison, il est inscrit dans le béton Septembre 1910. Mais de la maison d’origine, il ne subsiste que le cagibi. Pour le reste, ça sert de terrasse à la gargote actuelle. Enfin, à 11 h 30, le taxi-brousse revient avec à peine plus de bagages et pas de passagers. Le chargement des bagages se poursuit avec les personnes présentes. Arrive alors le 4x4 du service de santé qui débarque beaucoup de monde. C’est lui qui avait réservé douze places. Vient l’heure de l’embarquement. Première tentative, je me retrouve assis sur le haillon arrière. Mais à 30 personnes, ça ne veut pas rentrer. Il s’engage une négociation avec certains passagers pour qu’il emprunte un autre véhicule. Ce sera un 4x4 qui, bien que chargé lui aussi, nous dépassera rapidement.
Enfin, à une heure moins le quart, nous partons à 25. Je suis installé sur une des banquettes arrières, finalement pas trop mal. Il y a un assistant qui voyage debout sur le marchepied arrière. Dès que le véhicule ralentit, il descend et le suit en courant, une cale à la main, prêt à la glisser sous les roues en cas d’arrêt. Avec un autre gars qui voyage sur la galerie, ils jouent aussi les voltigeurs, s’accrochant d’un côté ou de l’autre, pour rééquilibrer la voiture ou peser sur les roues motrices quand c’est nécessaire. Plusieurs fois, lors de passages critiques, nous devons descendre et continuer à pied pendant plusieurs centaines de mètres. Lors d’un de ces passages, en tranchée et en pente, j’ai tout le loisir d’observer un phénomène karstique des plus intéressant. De part et d’autre de la piste, la pluie, qui tombe vraisemblablement sous forme d’averses orageuses, a creusé des mini-canyons dans la latérite. On retrouve des enchaînements de marmites très caractéristiques, de quelques dizaines de centimètres de diamètre. La piste continue, nous aussi, puis c’est la panne. La coupelle d’embrayage est endommagée.
Ne me demandez pas à quoi ça sert, mais en tout cas, il est décidé de l’échanger avec celle de la roue arrière droite. La manipulation prend une bonne heure où nous avons le temps d’apprécier la rudesse du soleil, tempérée par un bon vent bien déshydratant. Pendant ce temps là, une demi-douzaine de passagers est partie à pied. Nous ne les rattraperons que cinq kilomètres plus loin. Sur toute cette longueur, au moins, nous sommes moins serrés et le taxi-brousse progresse plus aisément. Nous les retrouvons installés dans un virage où, oh miracle de la technologie, on capte le relais téléphonique d’Antsohihy. La suite se déroule sans problèmes particuliers. Vers la fin, la piste est meilleure mais soulève beaucoup de poussière qui nous revient à l’arrière. À la nuit tombante, nous sommes sur la nationale. Tout à coup, freinage brutal, enfin, autant que peut se faire. La 404 part en savonnette malgré sa vitesse assez faible. Dans la nuit, le chauffeur n’avait pas vu venir un changement de revêtement dans la zone chantier. Nous l’encaissons un peu durement. Nous arrivons à Antsohihy à 19 h, soit bien plus que les trois heures annoncées par plusieurs personnes, même en tenant compte des pannes. Le bateau a son charme, les jours où il est disponible. Je vais cette fois à l’hôtel Plaisance qui a la particularité d’avoir les toilettes dans le bâtiment d’en face, au premier étage, au fond du balcon.
Samedi 12 août :
De nouveau, lever aux aurores, direction le stationnement. Je trouve un taxi-brousse qui veut bien m’emmener à Ambilobe mais pas tout de suite. C’est une 504 break 4x4 avec pneus lisses à l’avant, sans doute pour éviter les têtes à queue. Les choses doivent s’éclaircir vers 8 h. En pratique, départ à 9 h 20. Nous sommes toujours sur une section de route en travaux mais dans un état plus avancé. Le secteur est vallonné, limite montagneux, avec de la forêt et des nuages menaçant mais pas de pluie cette fois. Nous faisons une brève pause repas à Maromandia.
Ils améliorent la route en l’élargissant mais ils ne sont pas encore à l’étape de réaliser des contournements de village. Dans Maromandia, c’est la grosse saignée avec quelques maisons éventrées. Nous reprenons la route et arrivons dans une zone fraîchement bitumée. De mieux en mieux si bien que nous sommes rendus à Ambanja à 14 h 10 pour 185 km soit 40 km/h de moyenne au lieu de 12 h avant les travaux. Et c’est la fin de la zone de travaux. Les malgaches ont quand même attaqué de front la restauration voir l’amélioration de presque 500 km de route. À Ambanja, on me transfert pour une correspondance dans un minibus dix minutes après l’arrivée. Et là, c’est parti... pour des tours en ville à la chasse au client. Après trois quarts d’heure, une dizaine de kilomètre, nous partons pour de bon. La route est plate et bonne, sans travaux. Nous avalons les 100 km pour Ambilobe en une heure et quart malgré quelques arrêt pour prendre des passagers en surcharge. Pied au plancher, le minibus frise les 90 km/h d’où la moyenne. Dans la région, les cases sont construites sur pilotis, surélevées de 40 cm à cause des inondations. Elles sont entièrement en matériaux végétaux. À Ambilobe, je fais connaissance avec Kaldas, le cordonnier, qui contrairement au dicton, n’est pas le plus mal chaussé, vu que c’est un des rares autochtones à porter de vraies chaussures en cuir. Quant à leur adaptation au climat local...
Dimanche 13 août :
Lever tranquille mais dérangé de manière assez matinale par le bruit de la circulation. Comme de plus l’hôtel est assez rustique quoique propre, je décide d’en changer. Je m’arrête au premier qui a un tarif acceptable. Je ne suis pas sûr qu’il sera plus calme car il y a un bar et une boîte attenants. La boîte ne fonctionne qu’un soir sur deux, j’aurai au moins la première nuit calme. Ensuite, je retrouve Kaldas qui m’affrète un taxi spécial pour aller visiter l’usine de canne à sucre qui fabrique du sucre et le célèbre rhum d’Ambilobe. Nous voilà partis dans une 4L jaune canari. La société qui exploite l’usine et les champs alentours est la Sirama. Elle est située à une trentaine de kilomètres. Au début, nous prenons la RN6 puis une route spécifique qui fût goudronnée. Après une quinzaine de kilomètres, nous la quittons pour un chemin dans les champs de canne qui doit nous conduire directement à l’usine. Et 15 km au milieu de la canne, ça paraît long surtout que nous ne croisons pas grand monde. Enfin, nous arrivons devant l’usine. Hélas, c’est dimanche et il n’est pas possible de la visiter. Nous tentons notre chance auprès d’un directeur qui habite dans un quartier résidentiel en face. La zone doit être le quartier des cadres. Il est constitué de maisons en bois d’époque coloniale. Elles accusent les ans mais sont encore bien conservées. La végétation autour est aussi bien entretenue. Mais le directeur ne peut pas nous laisser visiter le dimanche. Nous traînons un peu autour de l’usine. Comme à Malakia, ils ont eu leur petit train à vapeur qui allait jusqu’à Port Saint Louis. Il ne reste plus qu’un vague tronçon de rails à proximité de l’usine. J’apprendrai par la suite que l’usine n’est plus que l’ombre d’elle-même. La société est en cessation de paiement. Les ouvriers n’ont pas été payés depuis deux ans, de même que les fournisseurs. Les cultivateurs de canne à sucre vendent maintenant leur production ailleurs pendant que les ouvriers désossent l’usine. Nous allons ensuite faire un tour dans la ville Sirama, qui est aussi en face de l’usine mais cette fois pour les ouvriers. Là aussi les maisonnettes doivent être d’époque coloniale mais elles n’ont jamais dû être extraordinaires. Ce sont de simples cubes en béton, alignées au cordeau et chacune avec un numéro peint. Depuis, la croissance de la végétation et les extensions malgaches ont quelque peu rompu les alignements. Nous mangeons dans la gargote à l’entrée de la ville. Retour à Ambilobe par le même chemin. Un fort vent poussiéreux souffle sur les plantations dans l’après-midi, comme je le constate depuis plusieurs jours. Le soir, je ne peux que constater que pour le bruit, je n’ai pas beaucoup progressé. La porte d’entrée de la chambre est un simple volet avec persiennes qui donne sur un balcon. De là, on domine le bar attenant à l’hôtel qui va passer de la musique jusqu’à minuit. Après, c’est la fin de l’électricité et le démarrage du groupe électrogène. Au moins, la musique ne reprend bas. Enfin, à une heure indéterminée, le groupe lui aussi s’arrête pour laisser place à un concert de chiens errants - je sais, chien errant est un pléonasme à Madagascar. Vu le nombre, ce n’est plus à la carabine à air comprimé qu’il faudrait recourir.
Lundi 14 août :
Réveil au son du groupe qui reprend du service avant 6 h. Je comprends pourquoi il fallait payer la chambre d’avance. Je pars à la recherche d’un nouvel hôtel. Je trouve le Noor, encore plus cher. Ensuite, je fais un saut à l’Angap pour me renseigner sur l’Ankarana. Il y a des possibilités d’hébergement sur place avec accès par la nationale. Je décide de partir sans attendre. Je reprends mes bagages dans le nouvel hôtel. J’attrape un taxi-brousse à 9 h 15 qui part après quelques tours en ville. Je partage la place avant avec une nouvelle maman et son nourrisson de deux mois et demi. Il a relativement chaud. Route sans problème. Juste une petite pause après une côte pour remettre de l’eau dans le radiateur qui n’a plus de bouchon. On me dépose directement devant le bureau de l’Angap. Je tombe sur deux couples de touristes, l’un français, l’autre allemand, qui cherchent à unir leurs forces pour réduire les coûts de guidage. Je me joins à eux. Au passage, je m’installe dans un bungalow. Nous partons en fin de matinée pour la ballade. Nous commençons par la perte des rivières. C’est un trou assez circulaire d’une quinzaine de mètres de diamètre, dans le calcaire, en dehors des Tsingy Ses parois assez verticales, au moins au début, ne sont pas sans rappeler les cenotes du Yucatan. Par contre, au fond, on ne rencontre pas un plan d’eau mais un simple départ de galerie. Nous continuons sur un belvédère au milieu des Tsingy.
Globalement, on retrouve les même caractéristiques que sur les autres Tsingy pour la forme de surface. En dessous du point de vue, il y a par contre un effondrement assez important au fond duquel nous descendons et qui recoupe une grotte. Nous visitons la grotte, dite des chauves-souris.
Elle présente deux branches, non symétriques. Du côté aval, c’est une rivière qui est parcourue par un mince filet d’eau en provenance de l’effondrement d’entrée. Nous avons parcouru une centaine de mètres dans cette galerie qui à une section d’une quinzaine de mètres. D’après le guide, elle continue sur 45 km jusqu’à la mer. Elle est peuplée de nombreuses chauves-souris, assez grosses, qui doivent être des roussettes de Madagascar.
L’amont est un conduit fossile supérieur qui part dans les plafonds du porche d’entrée avec un abondant concrétionnement assez blanc et scintillant. Nous avons dû avancer de moins d’une centaine de mètres dans le conduit lui-même qui semble fermé là où nous nous sommes arrêtés. Enfin, nous sommes ressortis et nous avons gravi une petite colline herbeuse qui domine les Tsingy. Elle permet d’avoir une vue d’ensemble de l’étendue des Tsingy, en particulier vers l’ouest. Il y a plusieurs vallonnements. Les premiers présentent des Tsingy mêlés à la forêt mais ensuite la végétation est beaucoup plus clairsemée et le calcaire est à nu sur plusieurs kilomètres. Enfin, au loin, nous apercevons la bordure du massif sous forme d’une crête, découpée en plusieurs endroits par des canyons. Nous n’attendons pas le coucher du soleil pour retourner au camp.
Mardi 15 août :
Départ à 6 h du matin pour éviter la chaleur. Nous avons pris l’excursion dite des grands Tsingy La majeure partie du parcours a lieu dans une forêt assez dense qui nous protégera bien de la chaleur et qui nous permettra aussi d’observer pas mal de lémuriens et quelques caméléons. En route, nous passons par les Tsingy Rary. Nous allons ensuite au belvédère des grands Tsingy qui sont à peine plus grands que ceux que nous avons déjà vu.
De plus, le ciel est couvert et nous n’avons pas de bonnes lumières. Nous retrouvons à côté un effondrement d’une quarantaine de mètres de profondeur avec au fond un lac, le lac vert, et, semble-t-il, une grotte à une extrémité. Puis c’est le retour. Nous avons quelques gouttes de pluie. Nous croisons aussi un vazaha, la soixantaine, en VTT. J’apprendrais plus tard qu’il s’agit de Radiflo, le spéléologue qui a exploré l’Ankarana en long et en large. Là il partait pour plusieurs jours. Dommage, j’aurais bien discuté avec lui. Nous passons par les tourelles des Tsingy qui permettent d’apprécier les Tsingy à leur niveau de base et non depuis en haut. Enfin, nous bouclons le tour à 14 h 20. De mon point de vue, cette deuxième ballade n’apporte pas beaucoup plus que celle de la veille, à l’exception des tourelles. D’une manière générale, pour comparer les Tsingy de l’Ankarana à ceux de Bemaraha et de Namoroka, il y a deux éléments qui m’ont marqué. Le premier est l’étendue qui paraît largement supérieure. Le second est l’épaisseur de la couche de calcaire, qui, plus importante, conduit à une séparation nette entre les phénomènes de surfaces et les réseaux souterrains. Le temps de plier nos affaires et nous sommes tous au bord de la route à 15 h à la recherche d’un moyen de transport pour le nord. Une heure et sept véhicules plus tard, nous trouvons un 4x4 pick-up qui veut bien nous prendre. Ça roule bien et confortablement même à l’arrière. La route serpente dans les collines et quelques morceaux de Tsingy Nous sommes assez rapidement rendus à Anivorano où je m’arrête ainsi que les allemands. L’unique hôtel du village, l’hôtel du Lac, nous propose un toit assez sommaire pour la nuit. Le soir, sur un stand, un groupe de lycéennes me fait déguster de la soupe au pied de zébu et du boantamo, un bâton mou de 20 cm avec entre autres de la noix de coco et du riz. J’aurai des aigreurs d’estomac toute la nuit, à la limite de vomir.
Mercredi 16 août :
Après une nuit très médiocre pour les raisons mentionnées ci-dessus, j’ai rendez-vous à 7 h avec les lycéennes pour aller voir le lac sacré et ses crocodiles. Il y a du vent qui soulève la poussière sur les chemins.
Au bord du lac, il y a un site pour voir les crocodiles. Il y en a même un qui pointe le bout de son nez. Ça doit être une belle bête de plusieurs mètres. Mais il ne veut pas sortir de l’eau et aucune des filles ne veut servir d’appât. Nous allons aussi regarder le petit lac d’à côté, sacré lui aussi. D’après la légende, un voyageur avec des pouvoirs particuliers passait dans la région. Il arrive dans un village et demande de l’eau. Tous les villageois lui refusent sauf une femme. Il dit alors à la femme de partir, menaçant le village de lui donner l’eau qu’on lui a refusée. La femme ne veut pas s’en aller. Son enfant tombe malade, l’obligeant à aller voir un guérisseur à l’extérieur. À peine est-elle partie que le village est englouti, transformé en lac et ses habitants en crocodile. Le lac voisin correspond à l’étable elle aussi transformée. Retour au village à 10 h. Le temps de manger des yaourts maison, je trouve un taxi-brousse pour Diego, une 404 bâchée où j’ai la banquette devant que je ne partagerai que sur une partie du parcours. C’est un omnibus et nous mettons deux bonnes heures pour rejoindre Diego. Surtout, dans Diego, il fait le tour de la ville par les chemins en terre pour déposer les passagers chez eux. Je descends en dernier dans la basse ville, trois quarts d’heure plus tard où je retrouve Liva qui arrive de Tana et qui m’attend déjà depuis de nombreuses heures au stationnement... ah oui, il s’est passé quelque chose à Ambatolampy en 2004. Je dois passer une semaine chez Jean, un vazaha qui m’a contacté sur internet pour ses problèmes de configuration de GPS à Madagascar. Il m’a invité pour une semaine. Je dois aussi lui amener un GPS qu’il a acheté sur ebay. Il vient nous récupérer en ville. Repas de midi à deux heures bien tassé. Sieste. Discussion du programme des jours à venir. Repas du soir. Dodo.